Porsche 928, la surdouée

La Porsche 928 est certainement le modèle Porsche qui a le plus marqué les esprits à sa sortie grâce à son style et sa technique d’avant garde. Pourtant cette surdouée n’a pas récolté tous les lauriers qu’elle aurait sans doute mérités.

Une longue gestation

Pour comprendre la longue genèse de la Porsche 928, il faut retourner 10 ans avant son lancement, en 1968, et se replacer dans le contexte de l’époque. La 911 a été lancée 5 ans auparavant et même si c’est un véritable succès commercial, elle n’est pas encore devenue l’icône intouchable qu’elle est devenue aujourd’hui.

Aussi c’est fort logiquement que Zuffenhausen songe à son remplacement mais l’enjeu est important. Porsche est une entité encore jeune qui ne compte qu’un seul modèle dans sa gamme et le remplacer signifie, comme lors du remplacement de la 356, remettre en cause le devenir de toute l’entreprise. Aussi les ingénieurs prennent leurs temps d’autant plus que les résultats commerciaux de la 911 sont très bons tant en Europe qu’aux Etats Unis. De plus à cette époque les progrès techniques et industriels se font à grands pas dans l’industrie automobile avec un premier pas significatif de l’électronique dans les véhicules. A ce stade toutes les solutions techniques sont donc envisagées par les ingénieurs. Une seule certitude, concevoir une digne remplaçante à la 911 si possible la meilleure GT de son époque. Comme on le voit les ambitions sont grandes. Plusieurs questions se posent alors : conserver le flat 6 tel quel ou passer au refroidissement par eau, le garder en porte à faux arrière ou le placer en position centrale arrière ou encore à l’avant ? Fabriquer un nouveau moteur ?

Par ailleurs, comme nous l’avons dit Porsche est encore une jeune entreprise qui si elle est indépendante dépend tout de même grandement de sa “cousine” Volkswagen avec laquelle elle collabore étroitement tant sur le plan technique que commercial. Or il se trouve qu’entre 1968 et 1971, ce ne sont pas moins de 2 projets d’envergure sous-traités par Porsche que Volkswagen va abandonner au stade de pré-production dont le dernier à partir duquel la firme de Zuffenhausen devait développer la remplaçante de la 911.

Ce n’est donc qu’à l’été 1970 que Porsche se reconcentre complètement sur son futur modèle et en dessine véritablement les premières ébauches. La 911 a donc déjà 7 ans mais les hommes Porsche prennent leur temps car ils veulent concevoir la meilleure GT à la pointe de l’avant garde et capable de traverser les modes. Le cahier des charges de la future 928 repose sur des données simples et en même temps ambitieuses : vivacité, performances, confort, sécurité, aérodynamique, grand coffre et facilité de maintenance. Bref une véritable GT de son époque mais en même temps d’avant garde.
Début 1972 les premières maquettes sont proposées pour la définition du style. S’ensuit alors une longue période de mise au point où tous les éléments techniques pour beaucoup entièrement nouveaux sont mis au point en condition réelle camouflés sous des carrosseries de Mercedes ou d’Audi ou encore d’Opel Amiral. Il faudra encore 5 longues années pour la présentation officielle de la 928 au salon de Genève 1977.

Des solutions techniques d’avant garde

Quand on regarde une Porsche 928 aujourd’hui, on est toujours frappé par sa modernité. Sa ligne est pour le moins futuriste, très lisse et ronde en même temps. C’est en outre la première voiture de série à adopter des pare chocs intégrés peints dans la couleur de la carrosserie. Les phares sont également intégrés et se relèvent en fonctionnement lui donnant alors un air de batracien.
Le poids a également été une des préoccupations majeures qui a guidé les ingénieurs de Zuffenhausen. C’est pourquoi l’aluminium a été largement employé notamment pour les ouvrants et les ailes.

Le système transaxle

Les ingénieurs de Zuffenhausen déterminent rapidement une architecture totalement adaptée au cahier des charges qui est en même temps une révolution chez Porsche : moteur avant mais boîte de vitesse (manuelle ou automatique) placée à l’arrière, pour une répartition des masses optimales, les 2 organes étant reliés par un tube central. Cette configuration est baptisée chez Porsche système transaxle.

Le train arrière “Weissach”

Il s’agit du premier essieu arrière multibras à déformation programmée équipant une automobile de production. Il permet aux roues arrières motrices de rester dans l’axe longitudinal du véhicule quelque soit la situation même lors d’un changement brusque de trajectoire et donc de conserver toute leur adhérence, éliminant ainsi un risque de tête à queue. Les ingénieurs sont tellement fiers de sa conception qu’il le baptise du nom de leur centre de recherche. Le principe sera repris et adapté sur la 911 notamment la version 993. D’autres marques s’inspireront de ce principe notamment BMW.

Un moteur à la hauteur de ses ambitions

Entièrement nouveau, il s’agit d’un magnifique V 8 entièrement en alliage léger. La distribution est assurée par 2 arbres à came en tête (1 par rangée de cylindre), entraînée par courroie. D’une cylindrée initiale de 4,7 litres , il est alimenté par une injection mécanique K-jetronic. Sa puissance débute à 240 ch pour la première 928 de 1978 pour culminer à 350 ch pour une cylindrée de 5,4 litres sur l’ultime version GTS en 1992. Comme tous les moteurs de son espèce, il réclame des soins attentionnés mais vous le rendra bien dans ce cas avec une fiabilité exemplaire.

Un habitacle au style futuriste

Tout comme la carrosserie, le style intérieur se veut résolument futuriste. Malheureusement la médiocrité des matériaux choisis très années 80 ne met pas en valeur ce style même si l’on peut constater aujourd’hui que les habitacles vieillissent relativement bien. Les sièges bien dessinés sont de style bacquet à l’avant comme à l’arrière comme dans une Panamera aujourd’hui (tiens, tiens !), garnis de tissu au style parfois discutable ou en cuir adopté d’ailleurs par la majorité des propriétaires.

Un équipement pléthorique et raffiné

L’équipement est à la hauteur du statut Grand Tourisme de la 928 avec tout ce qu’un conducteur peut disposer comme équipements connus à cette époque. La sortie de la 928 coïncide encore une fois avec l’avènement de l’électronique dans l’automobile, décuplant alors les possibilités d’équipements. Sont proposés en série ou en option : climatisation automatique, sièges électriques, boîte automatique sophistiquée avec rappel des rapports engagés au tableau de bord, régulateur de vitesse, lave phare… On y trouve également une centrale d’information permettant de tout savoir sur le bon fonctionnement de la voiture comme par exemple la pression des pneus, un équipement rarissime pour l’époque. Le raffinement est à son comble avec par exemple la présence d’un système de lave glace doté d’un double réservoir, l’un contenant du produit traditionnel mais l’autre un produit anti-insectes, les 2 produits se mélangeant au moment de la projection sur le pare brise !

Des prestations routières hors du commun

Lorsque l’on relit les essais d’époque, tous les journalistes sont unanimes quant aux qualités routières exceptionnelles de la 928. Dans son essai comparatif de la 928 GTS avec la BMW 635 CSi et la Mercedes 500 SEC en Février 1983, Sport Auto note que : “l’adhérence propre est élevée. Le train avant ne refuse pas de s’engager. Au contraire, il faut doser l’accélérateur pour limiter le survirage. Mais le comportement est parfaitement équilibré et plutôt facile à contrôler du moins sur le sec si bien que la 928, voiture ne l’oublions pas à moteur avant, s’avère très sportive et saine. L’excellente répartition des masses y est sans doute pour beaucoup (la motricité est excellente) ainsi que l’ensemble des suspensions“. Et Sport Auto de conclure ce comparatif : “La Porsche est la plus sportive. Agressivité de la ligne et des performances, comportement de référence, luxueux équipements (à condition d’y mettre le prix) et confort, en font la plus authentiquement sportive des Grand Tourisme au sens le plus noble du terme.”

Voiture de l’année 1978

Elément marquant et révélateur, la 928 fut élue voiture de l’année 1978 par un jury qui pourtant plébiscitait plutôt normalement des voitures de grande série familiale. Le fait d’élire une voiture de sport haut de gamme est resté inédit jusqu’à ce jour. C’est dire à quel point la 928 a marqué techniquement son époque.

Et pourtant le désamour…

Si on ne peut pas franchement parler d’échec commercial, les ventes se situaient au niveau de ses concurrentes de l’époque, la 928 n’a jamais vraiment pu s’imposer véritablement surtout aux yeux des propriétaires de 911 qu’elle devait pourtant séduire en priorité. Avec le recul, les raisons de ce désamour sont finalement assez simples à comprendre. La 928 est avant tout une voiture d’ingénieurs qui ont sans doute oublié, emportés par leur désir de perfection, qu’une voiture aussi efficace soit elle, devait avant tout séduire. Avec son style très (trop) efficace tant sur le plan stylistique que dynamique, la 928 apparaissait aux yeux de beaucoup et notamment des Porschistes purs et durs comme une voiture manquant de caractère et quelque peu aseptisée. Porsche est allé sans doute trop loin et trop vite dans la rupture avec la 911, si atypique, qui est au contraire basée sur la rondeur presque désuète mais si séduisante de ses lignes et sur, il faut bien le dire, une aberration technique avec son moteur en porte à faux arrière mais qui rend finalement sa conduite si spéciale et donc passionnante, aux antipodes de l’efficacité absolue d’une 928.

Aujourd’hui en occasion, la cote reste très basse pour les mêmes raisons et également à cause d’un coût d’entretien très élevé. Néanmoins les passionnés du modèle ne tarissent pas d’éloge sur leur 928 qui conserve encore aujourd’hui un niveau de prestations tout à fait à la hauteur en comparaison des GT actuelles.

Les différents modèles de 928

La 928 est le modèle Porsche qui a connu la carrière la plus longue sous une même carrosserie puisqu’elle est restée au catalogue de la marque pendant 17 ans ! Il va sans dire qu’elle a connu de nombreuses versions et évolutions. Nous avons dressé ici la chronologie de la 928 et un descriptif résumé de chaque modèle.

Porsche 928 (1978-1982)

Pour la reconnaître : Une seule prise d’air sous le masque avant. Jantes à 5 trous dites “téléphone”. Pas de becquet arrière.

Caractéristiques principales

Motorisation
V8 refroidi par eau de 4,5 litres de cylindrée. Injection mécanique Bosch K-Jectronic. Soupapes commandées par poussoirs à réglage hydraulique. Radiateur d’huile intégré au radiateur à eau. Puissance 240 ch.

Transmission
Boîte mécanique à 5 rapports accolée au pont arrière. Arbre de transmission tournant à la vitesse du moteur, dans un tube rigide. Embrayage bi-disque situé sur le moteur, à commande hydraulique. (Système transaxle)

Chassis
Roues avant guidées par doubles bras transversaux, avec ressorts hélicoïdaux à amortisseurs concentriques. A l’arrière, bras obliques inférieurs et bras transversaux supérieurs à ressorts hélicoïdaux et amortisseurs intérieurs. A l’avant et à l’arrière, stabilisateurs réduisant l’inclinaison latérale du véhicule dans les virages pris à grande vitesse.

Freinage
Freins à disque à ventilés avant arrière. Double circuit de freinage en diagonale. Assistance par servofrein.

Intérieur
Sièges arrières rabatables. Cache-bagage amovible. Triangle de présignalisation et outillage dans la paroi arrière du coffre. Boîte à gant éclairée. Couvercles de vide-poches de portière articulés. Colonne de direction et console porte-instrument solidaires réglable en hauteur.

Carrosserie
Auto-porteuse en tôle d’acier zinguée sur les deux faces. Portes, capot moteur et ailes avants en aluminium. Pare-chocs peints intégrés à la carrosserie avec absorption de chocs sans dommages jusqu’à 5 km/h.

Porsche 928 S (1980-1986)

Pour la reconnaître : 2 prises d’air à l’avant. Jupe noire sur spoiler avant. Becquet arrière en 3 parties sur hayon. Inscription “928 S” sur hayon arrière. Jantes de base, forgées à 6 fentes. Baguettes de protection couleur carrosserie. Volant 4 branches. Climatisation automatique, lave phare et régulateur de vitesse en série.

Les autres évolutions : Augmentation de la cylindrée du V 8 portée à 4,7 litres et du taux de compression. Puissance 300 ch.

Porsche 928 dite “S 2” (1984-1986)

Passage à l’injection électronique. Puissance moteur portée à 310 ch.

Porsche 928 dite “S 3” (1985-1986)

Cylindrée portée à 5 litres. Double arbre et 4 soupapes par cylindre. Puissance 288 ch. Version non commercialisée en France ni en Europe réservée essentiellement aux Etats Unis pour répondre aux contraintes du durcissement des normes anti-pollution.

Porsche 928 S4 (1987-1991)

Pour la reconnaître : Grosses évolutions esthétiques. Parties avant et arrière redessinnées. Clignotants débordant sur les côtés. Aileron arrière plus imposant et détaché du hayon. Sièges électriques en cuir, ABS et alarme en série.

Les autres évolutions : Cylindrée du V8 portée à 5 litres et équipé de 2 culasses de 944 S2. Puissance 320 ch à 6000 trs/mn. Couple maxi de 43 Nm à 3000 trs/mn.

Porsche 928 S4 CS (1988)

Pour la reconnaître : Chassis surbaissé. Equipement allégé.

Les autres évolutions : Allégée de 100 Kg environ. Moteur 330 ch à 6000 trs/mn avec 2 arbres à cames spécifiques. Couple maxi 43 Nm à 4100tr/mn. Boîte courte et autobloquant mécanique de série.

Porsche 928 GT (1989-1991)

Pour la reconnaître : Jantes design à 7 branches.

Les autres évolutions : Disponible uniquement en boîte mécanique. Adopte les évolutions mécaniques de la CS (arbre à cames, boîte et autobloquant mécanique).

Porsche 928 GTS (1992-1995)

Pour la reconnaître : Jantes 17 pouces Cup à 5 branches. Bandeau réfléchissant entre les feux arrières.

Les autres évolutions : Boîte rallongée. Moteur revu avec une cylindrée portée à 5,4L. Puissance 350 ch à 5700 trs/mn Couple de 50 Nm à 4250 trs/mn

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